Subir ou corrompre : vous avez le choix !

Article : Subir ou corrompre : vous avez le choix !
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13/12/2014

Subir ou corrompre : vous avez le choix !

Imaginez.

 

Vous êtes une femme sans histoire, simple, discrète. Vous travaillez comme à votre habitude dans le petit commerce que vous tenez dans le centre d’une petite ville tranquille à Madagascar.

Jusque-là, tout va bien. Vos clients sont ravis de venir chez vous, car ils vous sentent honnête et impliquée dans votre travail. Pourtant, une heure plus tard, vous avez fermé boutique, et vous vous retrouvez au poste de police. Pourquoi ?

Auriez-vous tué quelqu’un en l’espace d’une heure ? Non.

Avez-vous berné un de vos clients ? Non plus.

Avez-vous commis un crime digne des scénarios les mieux ficelés du cinéma ? Non, vous n’êtes évidemment pas un criminel.

En fait, je vais vous raconter ce qu’il vous est arrivé. Si l’histoire paraît loufoque, elle n’en est pas moins grave. Le dénouement est tout sauf drôle, mais j’éviterai de vous révéler la fin de l’histoire.

Revenons en arrière.

 

Aujourd’hui, tout va bien, c’est une journée comme les autres. Vous pensez à ce que vous allez manger ce soir. Peut-être du poulet, tiens. Ça fait longtemps que vous n’en avez pas mangé en plus. Vous passerez sûrement en acheter un en sortant du magasin.

Entre-temps, les clients se pressent pour acheter ce qu’il leur faut pour accrocher leurs décorations de Noël. Eh oui, on est en décembre et c’est un des précieux moments de l’année où les affaires tournent plutôt bien. D’ailleurs, ce matin, un policier est passé vous solliciter pour la grande tombola de Noël que la Police nationale organise tous les ans. Vous leur demandez de repasser dans la journée, c’est Monsieur qui s’occupe de ces affaires-là.

Cet après-midi, les policiers sont repassés par là. Vous pensez : c’est dommage, Monsieur est encore absent, je leur donnerai quand même xxx Ariary pour leur tombola. Mais cette fois, ce n’était pas pour cela qu’ils venaient.

Vous ne comprenez pas. Les clients non plus. Un gamin d’à peine une dizaine d’années vous accuse d’avoir acheté des poulets -ah on en parlait justement- volés.

Quoi ? Vous ne comprenez toujours pas ? Je vous réexplique : un gamin a été pris par les policiers car il a été accusé d’avoir volé des volailles. Lui-même vous accuse donc de les lui avoir acheté vivantes et de les avoir coupées sur le coup.

 

Et cela suffit pour qu’on vous embarque au poste.

 

Alors, présomption d’innocence ? On ne connaît pas.

Oui, parce que c’est la parole du petit voleur contre la vôtre. Vous qui n’avez rien demandé. Vous qui ne lui avez jamais rien acheté.

Mais quelles preuves pour vous accuser ? Il n’y en a pas.

Quelles preuves pour vous défendre ? Aucune.

Quelle justice dans tout ça ? Inexistante.

Rien pour vous défendre. Mais on vous accuse.

 

Dans ce cas, vous avez quand même plusieurs choix :

 

  • Vous pouvez prendre un avocat. Et rester en prison tout le long de la procédure. Ce qui vous laisse seule dans une cellule alors que vous n’avez rien fait. Payer le coût astronomique d’une procédure judiciaire pendant trois mois alors que vous n’aviez rien demandé à personne, juste pour essayer d’obtenir gain de cause, ce qui n’est, au passage, pas certain.
  • Ou alors, on vous propose de payer tout de suite : une somme d’argent ( équivalent d’une bonne semaine de dur labeur ) pour la présumée victime à laquelle on aurait volé des volailles – une personne dont on n’a pas entendu parler de la journée – et autant pour le travail des policiers, qui vous permettent généreusement de sortir de là.

 

Vous, ce que vous faites ? Vous payez tout de suite.

Vous acceptez. Vous vous résignez.

 

Choix évident ? Choix imposé ?

Malgré tout ce que j’en dis, je pense que non.

Vous, lecteurs, malgaches ou non, comprenez que je rends compte de ces faits derrière mon écran, comme on me les a rapportés. Ici, je défends ce que je pense être une victime même si je ne cautionne aucunement la corruption. Je suis de ceux qui auraient préféré une justice en bonne et due forme. Avec des droits, des accusations fondées, une défense soutenue.

Mais où aller quand on bouscule votre quotidien de la sorte ? Que faire pour se défendre quand on n’a pas les moyens ?

Il faudrait se battre pour changer les choses. Mais comment ? Ceux qui ont essayé se sont retrouvés dans des situations pire encore.

 

Alors, essayer de changer les choses ou se résigner face à une pratique répandue dans de nombreux pays ? A vous de me le dire, je connais ma réponse. En prenant le risque d’être naïve et croire en des solutions utopiques. A défaut d’y être, je vous le raconte.

 

 

 


Si vous avez lu Le Procès de Franz Kafka, ce fait divers vous a peut-être fait penser au livre. Si vous ne l’avez pas lu, j’espère que ce passage vous donnera envie de vous y plonger.

Il ne fait pas de doute que tous les agissements de ce tribunal (ainsi, dans mon cas, l’arrestation et la présente instruction) dissimulent une vaste organisation. Une organisation qui n’emploie pas seulement des gardiens corrompus, des inspecteurs et des juges imbéciles dont le mieux qu’on puisse espérer est qu’ils soient modestes, mais qui entretiennent de surcroît des magistrats de haut rang, voire du plus haut rang, avec tout un train innombrable et inévitable d’huissiers, de greffiers, de gendarmes et autres subalternes, peut-être même des bourreaux, je n’ai pas peur du mot. Or quel est, messieurs, le sens de cette vaste organisation ? C’est d’arrêter des personnes innocentes et d’engager contre elles des procédures absurdes et généralement (…) sans résultat. Face à une telle absurdité de tout l’appareil, comment éviter que tous les fonctionnaires succombent à la pire corruption ? C’est impossible, le premier magistrat de la hiérarchie n’y parviendrait même pas pour son propre compte. Voilà pourquoi les gardiens cherchent à dépouiller de leurs vêtements les personnes arrêtées, pourquoi les inspecteurs pénètrent par effraction chez des inconnus, pourquoi des innocents, au lieu d’avoir droit à un interrogatoire, sont traînés dans la boue devant des assemblées entières. Les gardiens ont seulement parlé de dépôts où l’on placerait ce qui appartient aux personnes emprisonnées, je serais curieux de voir ces dépotoirs où pourrissent les fruits d’un labeur acharné, quand ils ne sont pas dérobés par des employés voleurs.

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Commentaires

layandri
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Ce serait même la combine à la mode. Une femme vient te bousculer dans la rue pour t'accuser de lui avoir volé son mari ou son objet ou autre chose et puis des gens t'entoure pour te dire : "madame, donnez lui 1 million sinon elle va ramener la police etc etc..."

Ianjatiana
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... hey oui! c'est malheureux mais parfois on se dit que payer dès le début est un moindre mal % le fait d'être traîné en justice, et là les magistrats vont peut être demander encore plus...