Roméo et Juliette ou la mort des fins heureuses
Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Vous y croyez vous ?
Les histoires d’amour finissent mal en général. Ce genre d’assertion passe aujourd’hui pour des vérités absolues. Et pour cause, quand on ne s’arrête pas aux naïfs contes de fée et autres Disney empreints de poésie pralinée, on se rend compte que toute la culture occidentale, que ce soit livres, médias, films ou chansons, ne nous conte que les déboires d’amoureux torturés et la complexité de situations tortueuses.
Des Beatles, Jacques Brel aux tragédies antiques (Phèdre ou Bérénice de Racine) aux drames plus ou moins modernes (Thérèse Raquin de Zola ou Le diable au corps de Radiguet) en passant par Shakespeare (est-il utile de rappeler Roméo et Juliette ?), John Green (Nos étoiles contraires, best-seller et film à succès de l’année) et Cameron avec Titanic, la constante est l’engouement universel pour les histoires d’amour contrarié ou impossible, peu importe l’époque, le lieu, le style, la tranche d’âge ou le sexe des personnages ( ce n’est pas une question de sensibilité féminine, ces messieurs sont autant intéressés que nous. )
Pourquoi tant de succès ? Le fait est que le bonheur est vite décrit, alors que le malheur revient par vagues de souffrance à chaque fois d’une intensité différente. Si on apprécie une histoire torturée c’est aussi parce qu’elle met des mots sur des sentiments personnels que l’on n’a jamais su décrire. On s’identifie. On y reconnaît telle ou telle situation qu’on aurait vécue. La souffrance est un sentiment complexe en soi, et l’amour encore plus : combinez les deux et vous vous retrouvez sur les terrains jamais assez explorés. Les situations d’amour et de souffrance ont fait naître les plus belles plumes de la littérature et les plus belles images du cinéma.
Serait-ce la fin des fins heureuses ? Pourtant, l’image que cela renvoie aux générations futures est assez désolante. A l’heure où le taux de divorce augmente plus chaque année, le cynisme et le réalisme terre à terre font tomber chaque papillon qui essaierait de vous retourner l’estomac. C’est pourtant normal que des enfants ayant souffert de la rupture brutale de leurs parents se retrouvent à déclarer avec conviction que l’amour ne dure pas toujours (et aussi entre autres : les hommes sont tous des connards et les femmes sont toutes sans coeur.)
Entre les gens qui ont connu et vécu des séparations déchirantes de leurs parents ou autres proches, et ceux, comme moi, qui n’ont jamais connu que l’amour parfait de leurs parents, et qui sont persuadés que la vie est un conte de fée, le fossé se creuse et les déceptions fusent de tous les côtés.
Il n’y a pas de façon juste d’appréhender l’amour.
De plus en plus de personnes sont donc certaines que les histoires d’amour finissent mal en général. Déjà, ce n’est pas vrai mais surtout, ça ne se résume pas à cela : les belles histoires d’amour impossibles nous prouvent que la lutte est légitime, que la lutte est pleine d’espoir, peu importe que ça finisse comme Cendrillon ou comme Roméo et Juliette. Parce qu’après tout, la fin, on s’en fout. Ce qui compte c’est la force qui te pousse vers l’autre, celle qui fait briller tes yeux, celle qui te fait chanter sans raison, sautiller sur place, sourire tout seul. Celle qui fait naître les papillons, les frissons et même les larmes. Oui, la fin on s’en fout, c’est l’histoire qui compte.
Et l’histoire, elle vaut au moins la peine d’être racontée.
PS : Et si les princesses Disney avaient mal fini ? Très mal ?
Commentaires