Arva FAJELE ABASSE

Mondialisation et identité : et les immigrés alors ?

Je me réjouis souvent d’être l’heureux mélange de cultures très différentes : depuis cinq générations, ma famille côtoie trois grands pays ( l’Inde, Madagascar et la France ) sur des continents distincts. Elle parle plusieurs langues et est en interaction constante avec des personnes ayant des histoires aussi riches les unes que les autres, mais dans des univers parallèles. Immigration et Intégration sont pour moi des mots qui ont du sens, dans mon vécu et dans mes habitudes. Toujours fière et heureuse de cette diversité que j’incarne, je me demande aujourd’hui si on ne commence pas à me le reprocher.  

Au fil des différentes mondialisations que le monde a connues et avec l’essor successif des révolutions des transports, des communications et de l’information, on n’a jamais été aussi si proche des civilisations voisines. La mondialisation a longtemps fait craindre une uniformisation culturelle : le monde se transformerait en un gigantesque village, probablement américain. Pourtant, les nationalismes n’ont jamais été aussi influents et beaucoup se braquent et tentent de se replier sur eux-mêmes.

Immigrée, ici, c’est une tare. Alors que moi, je l’avais toujours considéré comme une richesse. Etre considérée comme étrangère partout, c’est un poids difficile à porter. A l’heure le climat de crise a exacerbé les tensions envers des populations d’origine étrangère dans tous les pays du monde et où tout le monde est en quête d’identité, les gens comme moi, issus d’immigrations successives et ayant le sentiment d’appartenir à plusieurs nations, sont pris de court. Appartient-on à plusieurs pays ? Ou serait-ce plutôt comme si on n’était chez nous nulle part ?

Le problème étant que les messages du type : ‘ Repars d’où tu viens ‘ ne veulent plus rien dire pour moi. Repartir, d’accord. Mais où ? En Inde ? Je n’y ai jamais mis les pieds. A Madagascar ? Même si j’y ai vécu toute ma vie, ma physionomie et ma langue maternelle me définissent : je suis karana et pas encore une gasy à part entière. Rester en France ? A l’heure où Zemmour prétend être la voix du peuple, j’ai l’impression qu’on va me stigmatiser toute ma vie (et ce, sachant pertinemment que la minorité très médiatisée n’a pas toujours raison.) Et puis se sentir français, malgache ou indien ne veut plus rien dire sur le papier. Il faut avoir le droit d’être d’une nationalité particulière. Sur le papier on y est, sur le papier on appartient, mais est-ce qu’on l’est dans l’âme ?

Je ne m’apitoie pas sur mon sort, loin de là, car je retire de cette situation beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients. La diversité du monde et les différences culturelles sont justement ce qui font sa richesse. Il y a du bon dans les nationalismes, car ils mettent en valeur ce qui fait le meilleur de chaque culture, chaque pays. Mais je sais que si, aujourd’hui je dis que je me sens citoyenne du monde, je passe pour quelqu’un qui n’a rien compris. Pourtant, profondément, je me sens citoyenne du monde, dans le sens où j’appartiens à plusieurs pays, et je partage des valeurs propres à chacun.

Je suis une partie de l’histoire de chaque pays, je suis une partie de leur identité.

On a besoin d’appartenir à quelque chose. On appartient à une famille, à un groupe d’amis, à une communauté, à un pays. On se crée des cocons, des bulles dans lesquelles on se réfugie. Jusqu’à ce que les bulles éclatent. Que les frontières deviennent floues et qu’on se sente perdu. (*) C’est une question de repères : s’accrocher à quelque chose de particulier, au moment où tout bouge c’est un peu comme essayer d’avoir pied alors qu’on est emporté par une vague.

A un moment où la mondialisation commence à faire peur et que les replis identitaires se multiplient, où vont les personnes dont l’identité est justement fondée sur des cultures différentes ?

 

(*) Référence à Sphères, la trilogie de Peter Sloterdijk. Ier Tome : Bulles (1999)


Roméo et Juliette ou la mort des fins heureuses

Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… Vous y croyez vous ? 

Les histoires d’amour finissent mal en général. Ce genre d’assertion passe aujourd’hui pour des vérités absolues. Et pour cause, quand on ne s’arrête pas aux naïfs contes de fée et autres Disney empreints de poésie pralinée, on se rend compte que toute la culture occidentale, que ce soit livres, médias, films ou chansons, ne nous conte que les déboires d’amoureux torturés et la complexité de situations tortueuses.

Des Beatles, Jacques Brel aux tragédies antiques (Phèdre ou Bérénice de Racine) aux drames plus ou moins modernes (Thérèse Raquin de Zola ou Le diable au corps de Radiguet) en passant par Shakespeare (est-il utile de rappeler Roméo et Juliette ?), John Green (Nos étoiles contraires, best-seller et film à succès de l’année) et Cameron avec Titanic, la constante est l’engouement universel pour les histoires d’amour contrarié ou impossible, peu importe l’époque, le lieu, le style, la tranche d’âge ou le sexe des personnages ( ce n’est pas une question de sensibilité féminine, ces messieurs sont autant intéressés que nous. )

Pourquoi tant de succès ? Le fait est que le bonheur est vite décrit, alors que le malheur revient par vagues de souffrance à chaque fois d’une intensité différente. Si on apprécie une histoire torturée c’est aussi parce qu’elle met des mots sur des sentiments personnels que l’on n’a jamais su décrire. On s’identifie. On y reconnaît telle ou telle situation qu’on aurait vécue. La souffrance est un sentiment complexe en soi, et l’amour encore plus : combinez les deux et vous vous retrouvez sur les terrains jamais assez explorés. Les situations d’amour et de souffrance ont fait naître les plus belles plumes de la littérature et les plus belles images du cinéma.

Serait-ce la fin des fins heureuses ? Pourtant, l’image que cela renvoie aux générations futures est assez désolante. A l’heure où le taux de divorce augmente plus chaque année, le cynisme et le réalisme terre à terre font tomber chaque papillon qui essaierait de vous retourner l’estomac. C’est pourtant normal que des enfants ayant souffert de la rupture brutale de leurs parents se retrouvent à déclarer avec conviction que l’amour ne dure pas toujours (et aussi entre autres : les hommes sont tous des connards et les femmes sont toutes sans coeur.)

Entre les gens qui ont connu et vécu des séparations déchirantes de leurs parents ou autres proches, et ceux, comme moi, qui n’ont jamais connu que l’amour parfait de leurs parents, et qui sont persuadés que la vie est un conte de fée, le fossé se creuse et les déceptions fusent de tous les côtés.

Il n’y a pas de façon juste d’appréhender l’amour.

De plus en plus de personnes sont donc certaines que les histoires d’amour finissent mal en général. Déjà, ce n’est pas vrai mais surtout, ça ne se résume pas à cela : les belles histoires d’amour impossibles nous prouvent que la lutte est légitime, que la lutte est pleine d’espoir, peu importe que ça finisse comme Cendrillon ou comme Roméo et Juliette. Parce qu’après tout, la fin, on s’en fout. Ce qui compte c’est la force qui te pousse vers l’autre, celle qui fait briller tes yeux, celle qui te fait chanter sans raison, sautiller sur place, sourire tout seul. Celle qui fait naître les papillons, les frissons et même les larmes. Oui, la fin on s’en fout, c’est l’histoire qui compte.

Et l’histoire, elle vaut au moins la peine d’être racontée.

 

 

 

fallenPS : Et si les princesses Disney avaient mal fini ? Très mal ?


Histoire d’une crêpe

Une crêpe. Quoi de plus simple ? Des oeufs, un peu de lait, de farine, un chouia de sucre et le tour est joué !

C’est ce que je me suis dit le week end dernier : une faim intenable, un dimanche pluvieux, un semblant de motivation à accomplir quelque chose dans la journée, c’était la bonne recette pour une crêpe parfaite ! Allez, on se motive, tu PEUX le faire !

Le problème c’est qu’étant aussi adroite qu’une fourchette tordue et aussi tête en l’air qu’une mouette sans ailes ni cerveau, faire une petite crêpe minuscule était un challenge de gladiateur.

Si vous avez le don de cramer la moindre chose que vous envisagez de consommer, vous me comprenez. Sinon, vous connaissez sûrement quelqu’un comme moi qui vient manger chez vous à la moindre occasion. Et si vous ne reconnaissez personne, vous savez maintenant que nous, gens inutiles voire nuisibles dans une cuisine, nous existons.

 Pourtant, ne pas savoir cuisiner quand on est une femme, c’est assez problématique. Ils ont beau dire que le féminisme est à son apogée et que l’émancipation de la femme est un phénomène établi, le fait est qu’on attend toujours de la femme qu’elle sache cuisiner. Pour être une bonne épouse. Une bonne mère. Une bonne hôte. Aussi parce que la confiance des gens se gagne par leur estomac.

C’est bien connu. Au premier rendez-vous, on emmène une femme dans son restaurant préféré pour lui montrer ce qu’elle devra cuisiner dans un éventuel futur foyer conjugal. Les meilleurs hôtes sont ceux qui vous remplissent la panse, c’est pour ça que les mères se transmettent les recettes de leurs succès comme des secrets datant de générations entières.

Au point où les hommes s’y mettent. Selon des statistiques Ipsos(*) sur les Français et la cuisine, il semblerait que les jeunes hommes ( 18 à 29 ans ) cuisinent presque autant que les femmes du même âge ( 82% contre 84% chez les femmes ). Personnellement, je crois que ces hommes sont juste ceux qui ont compris que la cuisine menait le monde.

A toute culture, une certaine gastronomie. A chaque pays, sa spécialité culinaire. A chaque foyer, sa recette fétiche. Et toi c’est quoi ton plat préféré ? Personnellement, c’est une crêpe. Aussi fine que de la dentelle, moelleuse et fondante en bouche. Chaude et sucrée de préférence. Encore faut-il savoir la faire. Et pour ça, bonne chance ! Ah, et je vous ai dit ? J’adore les crêperies ! 

 

Ecrire, c’est cuisiner avec des lettres.

L’énigme du retour (2009) – Dany Lafferrière

Vous l’avez cherchée partout ? Voilà, c’est cadeau !

https://www.marmiton.org/recettes/recette_pate-a-crepes-facile_86163.aspx

(*) https://www.ipsos.fr/ipsos-public-affairs/actualites/2011-09-21-francais-et-cuisine

( Petite pensée pour la déesse du wok en écrivant cet article )


Irrésistible

Elle est de ces femmes fragiles et délicates. De celles qui s’envolent à la moindre brise et qui se cachent à chaque petite crise. Un peu rêveuse, un peu naïve, elle est parfois dans un autre univers et se laisse porter docilement par les courants de la vie. Elle est convaincue qu’un sourire suffit à illuminer une journée un peu sombre et que les étoiles cachent en elles un peu de magie. Elle s’émerveille de tout, de rien et sourit à l’infini.

Elle aime les gens, leurs mots, leurs regards. Elle les observe et ne s’en lasse pas. Chacun est différent et chacun a du bon en lui. Oui, elle est comme ça, elle aime voir le positif avant tout. La bonne intention, la touche d’optimisme, la preuve d’amour. Elle est le soleil après le déluge. L’arc-en-ciel après la pluie. Il y a quelque chose de beau en elle. Une pointe de perfection dans la cruauté du monde. Quelque chose d’angélique, de délicat. D’irrésistible.

Elle est maladroite. En décalage avec le rythme de sa vie. Elle réagit au fil de ses humeurs et ne fait pas toujours bien les choses. Elle marche sur des œufs en permanence. Elle a toujours cru que la vie était simple. Qu’il fallait donner pour recevoir. Aimer pour être aimé. Rendre heureux pour être heureux.

Elle inonde son entourage de bonheur. Et se nourrit de leurs éclats de rire. Elle a toujours fait comme ça. Et pourtant, parfois, son mal-être revient, se transforme en tristesse. Et sa tristesse en larmes. Et ses larmes en torrents chauds qui dévalent sur ses joues et noient le creux de son cou.

Elle cultive un jardin inaccessible. Un petit coin de sentiments, qu’elle a su défricher à force d’aventures. Ici, elle fait pousser des rêves d’amour, alignant ses princes charmants comme des plants prometteurs. Ici, quand l’orage menace, elle enfouit ses tourments sous un tas de feuilles, chasse ses larmes et retrouve sa sérénité. Ici, elle est vraie, dans le secret.


Ça y est, tu es kedgeur bordelais !

Félicitations ! Vous êtes admis à Kedge Business School – Campus de Bordeaux.

 

Ça y est. Ça fait partie de ton identité. Depuis cet instant précis tu es Kedgeur. Tu fais partie d’une école au nom accrocheur. Tu fais maintenant partie de la secte qui t’impressionnait aux admissibles. Bienvenue à la maison. Et t’emménages pour de bon. Et ça te suivra toute ta vie. Tu portes fièrement ton nouveau statut. Comme tous ceux qui ont reçu le même sac bleu marine que toi marqué KEDGE BUSINESS SCHOOL. Tu as des étoiles dans les yeux. Ah, il est vraiment beau ce nouveau campus !

 

Aujourd’hui, ça fait une semaine que tu y vas. Tu adhères complètement. Tu as tout visité en long, en large. Et tu voudrais intégrer toutes les assos tellement elles ont l’air géniales. Ça y est, tu es en école, tu veux faire plein de choses, tu vas t’épanouir, faire des soirées, te bourrer la gueule et rencontrer des gens. Tu es en école, tu es à Kedge, t’es à Bordeaux. Le WEI va être exceptionnel. On va rétamer les marseillais. Une page de ta vie vient de se tourner. Il y aura un avant et un après Kedge. Ah, et c’est quand le prochain barathon ?

 

Ça fait trois semaines. Ça fait trois semaines que tu fais des soirées. Trois semaines que tu te bourres la gueule. Trois semaines que tu rencontres plus de gens que tu n’en as jamais rencontré. Pour l’instant, tu apprends du vocabulaire et pas beaucoup de cours. Et ce n’est pas ce qui te dérange. Tu apprends  » lister  »,  » coopter  » et tous ces mots que tu utilises tous les jours maintenant, comme un vrai kedgeur. Et toi, t’emmènes quoi comme corruption à ta coopt’ ? 

Par contre, tu n’as pas compris ce que c’est que le positionnement d’une marque. Tu ne sais pas non plus à quelle heure tu as cours aujourd’hui. Ni dans quelle salle. Ni avec quel prof. Ah, ils abusent à l’administration quand même !

 

Ça y est. Ça fait un mois. Et tu as de plus en plus de mal à te lever le matin. Le cas Eno, c’est sympa au début mais ça commence à te gaver un peu les travaux en groupe tout le temps. Et puis faut pas croire, tu as l’impression que tu travailles autant qu’avant ! Personne ne te croit mais tu exagères à peine. Et t’as commencé à aller manger au RU, parce que bon, Kedge c’est bien, mais c’est un peu la ruine. Et puis t’aimerais bien ne pas vendre un rein pour payer un rattrapage, alors faudrait commencer à s’y mettre, au lieu de te plaindre de tout. Tu savais toi, qu’il n’y avait pas de LV3 ?! C’est incroyable, hein ?

 » Pourquoi ils ne chantent pas les bordelais ? Fallait venir à Marseille… !  »

 

Aujourd’hui ça fait un mois et demi. Tu t’habitues à l’univers, et tu bois encore et toujours des verres à la moindre occasion. L’administration rame encore un peu mais ce n’est pas grave, ça a son charme. Et puis la dose d’adrénaline le matin quand on te dit que tu as cours à 8 heures au lieu de 10, ça réveille ! Et pour les langues, tu as cours de LV1 déjà, je ne vois pas pourquoi tu te plains !

Oui, parce que tu as enfin eu cours. Dans la bonne section. Dans la bonne salle. Avec le bon prof. Ça y est, ça se met en place. Doucement mais sûrement. Et puis finalement, t’es un kedgeur bordelais. Et franchement, te plains pas, ç’aurait pu être pire, t’aurais pu finir à Marseille.

 

 

 

 

Spéciale dédicace à Captain Jack 😉

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